L’impossible réunification des « frères » ennemis
Après la chute de Napoléon, en 1814, le Suprême Conseil se disperse. Plusieurs dignitaires, parmi lesquels le maréchal de Beurnonville, le duc de Tarente et le comte rampon, s’emploient alors à ramener les loges écossaises au Grand Orient, ruptures, anathèmes se succèdent.
Le 31 mai 1819, prenant acte d’un nouveau conflit qui l’oppose au « frère » Grasse-Tilly, le Grand Orient de France décide unilatéralement de déclarer irrégulières toutes les autres puissances maçonniques. C’est l’excommunication lancée sur le plan maçonnique contre tous les « frères » qui n’appartiennent pas aux loges du Grand Orient
En 1822, la loge de « la Grande Commanderie », installée l’année précédente par le Suprême Conseil, devient la Grande Loge Centrale chargée de regrouper les loges écossaises qui refusent l’autorité du Grand Orient.
En 1827, une nouvelle négociation est engagée en vue de refaire l’unité de la Maçonnerie française. Une commission est nommée, dans laquelle siègent des délégués du Suprême Conseil et des représentants du Grand Orient. C’est un nouvel échec. Le beau rêve unitaire ne se réalise pas plus cette année-là qu’il n’a pu le faire en 1819, qu’il ne pourra le faire en 1835 ni en 1841.
Le 19 octobre 1840, le Grand Orient adresse une circulaire à toutes ses loges pour leur faire savoir qu’il ne reconnaît pas l’autorité du Suprême Conseil. Il spécifie que ses membres doivent désormais s’abstenir de visiter les ateliers relevant de la puissance maçonnique contestée. Une nouvelle négociation –une de plus !- s’engage alors en vue de revenir à l’accord de 1805, mais le projet de concordat n’est pas ratifié. Le Grand Orient fait cependant un effort pour décrisper la situation : il rétablit le droit de visite.
En 1848, sept loges relevant du Suprême Conseil décident de se séparer de lui, lui reprochant une attitude trop conservatrice sur le plan politique. C’est ainsi que naît la Grande Loge Nationale de France, tentative éphémère destinée à donner à la Maçonnerie française un caractère plus républicain. Accusée de s’ingérer dans les affaires politiques, cette nouvelle obédience est interdite dès le 2 janvier 1851, par un arrêt du préfet de police.
Le 11 janvier 1869, un décret de Napoléon III nomme le maréchal Magnan Grand Maître du Grand Orient de France. Le maréchal s’empresse de sommer le Suprême Conseil à s’intégrer immédiatement sous son autorité. Le Suprême Conseil ne répond pas. Magnan renouvelle à trois reprises sa sommation et finit par l’assortir de menaces. Le 25 mars, le Grand Commandeur du Suprême Conseil, l’énergique octogénaire Guillaume Viennet, se décide à répondre au nouveau Grand Maître : « Je vous déclare que je ne me rendrai pas à votre appel et que je regarde votre arrêté comme non avenu. Le décret impérial qui vous a nommé Grand Maître du Grand Orient de France, c’est-à-dire d’un rite maçonnique qui existe seulement depuis 1773, ne vous a point soumis l’ancienne Maçonnerie, qui date de 1723. Vous n’êtes pas, en un mot, comme vous le prétendez, Grand Maître de l’Ordre maçonnique en France, et vous n’avez aucun pouvoir à exercer à l’égard du Suprême Conseil de France que j’ai l’honneur de présider. »
Le Suprême Conseil ne sera pas dissous, comme l’en menaçait le maréchal, mais l’Empire va considérer désormais l’Ecossisme (c’est-à-dire l’ensemble des « frères » dépendant du Suprême Conseil) comme un corps maçonnique qui lui est hostile.
Cependant, certaines loges écossaises qui relèvent du Suprême Conseil tentent de regagner leur indépendance. En 1868, en 1873, en 1879, plusieurs d’entre elles, qui ont voulu affirmer leur autonomie, sont rejetées par le Suprême Conseil. Finalement, en 1880, douze loges révoltées se regroupent pour former la Grande Loge Symbolique Ecossaise. Très vite, d’autres loges écossaises les rejoignent. Elles sont finalement trente-six lorsque le Suprême Conseil, conscient de l’importance du schisme, se décide à négocier.
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